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On: 2002 / 10 / 23
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Il y a quelques jours, un gentil lecteur envoyait pour les Lectures du Midi un lien assez amusant, la Google Fight. Quelques jours avant, je venais de faire un script "google" en Perl pour un bouncer Psybnc. Et, par un hasard des plus cocasses, il se trouve que ça fait précisemment 3 ans que j'utilise Google. Google, on en mange à longueur de journée pour le travail, pour les loisirs, pour tout. Plus qu'un outil, c'est un way of life : le Googlisme méritait bien son édito :P

What do you want to Google today ?

Ma longue histoire d'amour avec Google a donc débuté il y a précisemment 3 ans (bon, à 3 jours près quoi), relativement tard (environ 1 an) après le lancement de Google sur le marché du moteur de recherche, qui a l'époque était synonyme de "Yahoo quelque peu ébranlé par Altavista"
Comme tous les gens de bon sens, j'ai été séduit par l'absence de pubs, par sa présentation épurée, par sa rapidité, et par le fait qu'à l'époque j'étais n°1 sur le mot clé "Ozh" :P

Depuis, je suis un googleur assez intensif : maison + boulot, je dois googler en moyenne une cinquantaine de fois par jour, pour des motifs aussi futiles qu'extrèmement professionnels. Question à la con pour moi, recette de cuisine pour ma femme, info professionnelle ciblée pour mon chaif, dans tous les domaines Google est là (même si ensuite je modère ses mérites auprès du destinataire final de l'info pour en récolter les lauriers, j'avoue)

Réalisant il y a quelques jours donc à quel point Google était l'une des 3 ou 4000 choses les plus importantes de ma vie, j'ai eu envie de mieux cerner les raisons et l'ampleur du Googlisme, partant pour ce faire d'une recherche sur… Google :P

Google, outil pratique

Bien sûr donc, le fait que Google soit aujourd'hui le moteur de recherche le plus employé au monde (par les gens sensés, les autres étant des bisounours sur AOL qui cherchent sur MSN) s'explique en partie par le moteur de recherche lui-même. Outil rapide, épuré, sans images ni pub, le peuple n'en demandait pas plus.

Le peuple a pourtant eu plus : recherche d'images, recherche dans les newsgroups, et récemment recherche dans les site de news fraîches. Recherches limitées à des domaines précis : uniquement concernant Microsoft, ou bien Linux, ou encore en se limitant aux sites gouvernementaux américains.

Des outils plus ou moins expérimentaux sont lancés : l'excellente Toolbar, ou bien des technologies encore en cours de perfectionnement : un dictionnaire, la recherche par téléphone, ou encore l'impressionnant Google Sets qui dresse une liste de mots d'une même catégorie à partir de 2 ou 3 exemples.

Pour couronner le tout, Google est proche de ses utilisateurs : dans toutes les langues du monde, y compris le hackeur ou le Klingon, et même bientôt en Corse et Breton.

Google, entreprise sympa

Car c'est là que Google tape dans le mille : en plus d'être pratique, l'outil ne rechigne pas à être rigolo. Non content de s'éditer en des langues superflues, l'entreprise joue de son logo lors d'occasion diverses, calendriers nationaux ou rencontres provoquées, comme la sympathique opération Dilbert.

L'entreprise Google communique même sur le registre de l'humour : lors d'un 1° avril, elle explique que sa technologie utilise des pigeons, ou encore elle publie la liste des recherches mal orthographiées sur Britney Spears :P

Ce côté sympathique pourrait à lui seul justifier le Google Store où vous pouvez acheter des mugs, t-shirts et chemises estampillés des 6 lettres colorées.

Le googlisme en marche

Gratuit et sans pub, rapide, efficace avant tout mais également amusant, Google réussit à séduire et servir sans jamais apparaître comme une entreprise commerciale et hégémonique (Microsoft, Yahoo, Altavista… les réacs de l'internet disent "pouark" d'emblée). Il n'en fallait pas plus pour passer du stade de simple outil à celui de phénomène geeko-sociétal.

Google investit le vocabulaire quotidien : on n'a jamais dit "j'ai altavisté", et malgré les efforts de la publicité "Do you Yahoo" pour imposer le verbe, jamais personne n'a "yahooté". Spontanément par contre, les gens se sont mis à googler, et "tu as googlé ?" devient une sorte de civilité remplaçant les traditionnels RTFM et surtout STFW. Googler est devenu un verbe.

Le mot de vocabulaire courant donne lui-même naissance à de nouveaux mots et de nouvelles pratiques. Les cuisinières en mal d'inspiration tentent le Google Cooking : lancer une recherche avec une liste d'ingrédients dont on dispose pour dégotter une recette de cuisine existante. Les célibataires new-yorkaises entre deux speed-dating googlent sur leur prochain rendez-vous pour évaluer le potentiel du mâle. Du côtés des geeks, les webmasters filous inventent le Google Bombing : la technique consiste à créer plein de pages contenant des liens vers un site pour faire monter ce dernier au classement. Créer plein de pages avec le lien Site de teenz rendra le site planetOzh.com performant lors d'une recherche Google sur "site de teenz". Exemple purement hypothétique, mais expliquant pourquoi Microsoft arrivait en tête de la recherche "Go to hell".

Le googlisme devient référence

La positions dans une recherche Google n'étant pas moneyable comme chez ses concurrents, mais essentiellement fonction du nombre de liens pointant sur un site donné, Google devient l'attestation de performance : ne plus donner une URL mais une requête ciblée sur laquelle votre site apparait en tête est l'objectif de tout webmaster. Et provoque quelques fois des surprises inattendues :P

Les mot-clés recherchés sont une photographie à l'instant T des thèmes de préoccupations de la société, dont Google peut faire figure de baromêtre : après le 11 septembre 2001, la personne la plus cherchée sur Google était Ben Laden, et en Octobre 2002 "Sniper" devrait terminer en très bonne position.

On fait plus que simplement rechercher des mots : on cherche les sites dans Google qui parlent du votre. Les interconnexions entre les sites donnent d'ailleurs des résultats très spectaculaires lorsqu'elles sont présentées de manière graphique.

Le googlisme comme base de travail

Cette présentation graphique n'est que l'un des outils développés à partir de Google (le mot "outil" étant à prendre dans une acception plus ou moins sérieuse, car suivent des exemples profondémment futiles :) Jouissant d'une bonne popularité chez les hackeurs et autres gens oeuvrant sur le net, Google se voit décliné en de multiples formes.

On peut googler sur n'importe quel channel IRC équipé du très répandu script !google. On peut googler depuis MSN Messenger ou AIM. On peut même googler par mail, en envoyant sa requête ici ou là.

On développe des "frontends" pour Google, des outils web pour Googler : ainsi, cette ultimate Google interface est supposée compléter l'originale de manière plus performante. Goofresh limite votre recherche Google aux pages webs d'une "fraîcheur" spécifiée (pages ajoutées il y a moins de 4 jours par exemple)

Des outils purement ludiques sont conçus à partir de Google, plus ou moins élaborés, plus ou moins ingénieux : par exemple Google Fight donne le résultat d'un "combat" à la mesure du nombre de pages renvoyées par Google sur chacun des deux termes.
Le Google Whack (du verbe "to whack", "tout foutre le bordel en'dans") est un concours visant à chercher la requête Google qui, à partir de 2 mots (les plus répandus possibles, si possible), ne donnera qu'un seul lien (tiens par exemple espagnole palimpsestique, c'est une exclu, je viens de la trouver) Le résultat est bien sûr éphémère, puisque la base de données de Google est en perpétuelle évolution, et qu'en général le seul fait de trouver un googlewhack fait parler de lui et le fait citer sur d'autres pages :)

Elgoog, mirroir de Google au sens propre du terme, ne serait resté qu'une initiative amusante si la page n'avait pas été utilisée par les Chinois lorsque le gouvernement de la Chine a interdit l'accès à Google.

Très impressionnant, le Google Art Creator exploite le fait que Google surligne en couleur les termes recherchés. Faire une requête dans des newsgroup sur les mots aa ae ao ea ee eo peut ainsi donner un résultat aussi étonnant que travaillé :)

Citons encore, en vrac, le Random Personnal Picture Finder qui cherche des photos de gens à partir de requêtes sur images.google au format "appareil photo numérique" (dsc*.jpg chez Nikon, dcp*.jpg sur Kodak, etc…), le Stupid Translator qui utilise Google pour traduire par exemple de l'anglais vers le français vers l'anglais, et obtenir du "caca de taureau".

Le googlisme a ses fans

Comme tout phénomène de société, le Googlisme a ses fans, parmi lesquels vous commencez probablement à m'entrapercevoir. Des pages de news, appelées plus précisemment "weblogs" parce que "loggant" l'activité du web à la manière d'un historien, sont spécialement dédiés à Google et à ses fans : en anglais, et même en français.

Apprécié, Google est copié : Cthuugle est un moteur de recherche spécialisé dans l'écrivain HP Lovecraft, Boogle est Google, mais avec une citation célèbre en page d'accueil. Affilié au site commercial Amazon, le moteur de recherche Amazon Light avait fait, selon eux, un hommage à Google en reprenant leur aspect.

Aimé, Google est parodié : Gogol et Loogle, moteurs de rien du tout, ou la galerie des logos détournés chez Something Awful sont là pour témoigner de l'inspiration toujours prête à déconner :P

Adulé, Google detient la vérité absolue, dont vous pouvez vous enquérir sur Googlism, site qui donne la définition des mots "selon Google". Je sais que vous demandez par exemple : "qui est Ozh ?"

Le googlisme a ses opposants

Comme toute réussite commerciale, Google a ses opposants et ses parasites, qui cherchent soit à profiter indirectement du succès de Google, soit à convaincre du mal-fondé de l'entreprise.

Les parasites sont les classiques détourneurs de noms de domaine : de Googl.com à wwwgoogle.com, tout est fait pour tromper l'internaute qui tape avec des mouffles. La plupart des domaines de ce type mènent à des procès, dont Google sort gagnant, ce qui doit ravir ses avocats. Ces derniers ne semblent du reste pas prêts d'être au chomage : on compte encore plus de 600 noms de domaines qui contiennent "google", dont 436 qui commencent par "google", et toutes les variations de Oogle à Zoogle sont prises, de manière plus ou moins malintentionnées.

Les détracteurs de Google sont ceux qui protestent contre sa technique de classement des pages, en fonction du nombre de liens pointant vers elles, contre l'hégémonie menaçante de Google, ou bien encore contre les cookies que dépose ce dernier. Chantre de l'antigooglisme, Google Watch propose aux paranoïaques en mal de conspiration un proxy anonyme pour Google, ainsi qu'une terrifiante démonstration de la présence d'un cookie, supposé durer 36 ans. Oui, OSEF sévèrement.

Beaucoup plus fin, un internaute a détourné les Ad Words, les liens publicitaires sous forme de texte qui apparaissent de petits textes en haut à droite lors d'une recherche. Ses "Ad Words" étaient des petits poèmes absurdes pointant vers son site, sans aucun rapport avec le mot clé recherché.
Par soucis de crédibilité, Google a bien sûr mis un terme à cette expérience : le googleur cliquant sur le lien publicitaire espère un site en rapport avec sa recherche. Si le but de l'internaute était surtout de s'amuser, mais il conclue à l'apparition d'un "capitalisme sémantique" qui fixe le prix des mots, et qui dévoile le fondement économique de la censure.
Je trouve personnellement son initiative très spirituelle, et si ma femme était une googleuse je lui souhaiterais son anniversaire de cette manière :)

Google et quelques chiffres

Quelques faits sur Google pour terminer ce manifeste du Googlisme dont j'espère bien qu'il va bientôt me propulser en tête sur le mot-clé googlisme, espace toujours vierge à l'heure où j'écris.

Démarré lors d'un projet d'étudiant, le terme Google vient du mot Googol, nombre formé de 1 suivi de 100 zéros.

Au 23/10/2002, Google dit indexer 2,469,940,685 web pages, mais une recherche sur le terme the retourne "environ 2,890,000,000 pages".

Google affirme effectuer plus de 150 millions de recherches par jour, ce qui aux heures de pointe se traduit par 2000 requêtes à la seconde.

On ne peut pas googler sur des caractères non alphanumériques, ainsi une recherche sur :-) renvoie une décevante page vide, et :oF ne mènera jamais là

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